Est-ce la fin des fonds euros ?
Suite à la baisse des taux et aux différentes annonces d’assureurs fermant ou réduisant l’accès à leurs fonds euros, parmi lesquels Generali, Allianz ou encore AVIVA, une question est sur toutes les lèvres depuis la rentrée : « Les fonds euros vont-ils disparaître » ?
Notre conviction est que les fonds euros qui représentent 80% de l’encours de l’assurance vie (soit environ 1400 Md€) vont rester des composants essentiels des contrats. Bruno Le Maire a d’ailleurs été très explicite sur ce point le 25 octobre dernier lors de la conférence annuelle internationale de la FFA.
Leurs performances et leur part dans les contrats vont en revanche être amenées à baisser.
Petit tour d’horizon de la situation sur les fonds euros :
1 – Les fonds euros vont continuer à exister et la garantie en capital aussi, Bruno Le Maire l’a clairement dit fin octobre. Pour le ministre de l’Economie et des finances, le fonds euros reste et doit rester un des piliers de l’assurance vie. Son mode de fonctionnement n’a donc pas vocation à évoluer à court ou moyen terme mais sa part dans l’assurance vie est clairement amenée à être réduite. Certains évoquent à long terme une remise en cause partielle de la garantie en capital. En soutien de cette ligne réformatrice, on peut notamment citer un commentaire de Patrick Montagnier, premier secrétaire général de l’ACPR qui souligne que le fonds euros n’a pas toujours existé et que « l’effet d’aubaine » des taux d’intérêt élevés n’est plus. La réponse de Bruno Le Maire semble avoir fermé cette possibilité au moins pour les deux ans à venir.
2 – Les taux devraient rester bas pendant encore longtemps. Il y a en effet peu de chance qu’ils remontent durablement et franchement en territoire positif tant que des Pays fortement endettés comme la France mais plus encore l’Italie continueront à avoir un budget déficitaire. Les performances des fonds euros classiques (à base d’obligations) vont donc continuer à baisser sur l’horizon prévisible. Generali l’a explicitement annoncé, les autorités (ACPR, Gouverneur de la Banque de France - François Villeroy de Galhau - et Ministère de l’Economie) poussent l’ensemble des assureurs dans ce sens.
3 – Les assureurs vont tout faire pour limiter la collecte vers les fonds euros et pour pousser la collecte et les arbitrages vers les UC ou à défaut des alternatives aux fonds euros. En premier lieu en limitant la part pouvant être investie en fonds euros lors des souscriptions, des versements ou des arbitrages, en déterminant des enveloppes annuelles ou semestrielles maximales pour les fonds euros (avec fermeture temporaire au-delà), voire parfois en mettant en place en complément des frais d’entrée sur les investissements réalisés sur les fonds euros.
4 – Il va falloir diversifier les futures allocations. D’abord pour créer de la performance, ensuite parce que les assureurs ne laisseront pas le choix aux épargnants.
Des alternatives aux fonds euros ?
Les alternatives aux fonds euros classiques sont déjà connues, ci-dessous une liste des différentes alternatives, des moins risquées au plus risquées :
- Fonds euros immobiliers et fonds euros dynamiques qui devraient pour certains maintenir des niveaux de performances intéressants, mais qui seront vraisemblablement également conditionnés (conditions de parts en UC).
- Fonds euro-Croissance, lesquels offrent une garantie en capital partielle à une échéance déterminée à l’avance contractuellement (minimum 8 ans). Pas de garantie en capital à tout moment avec cette solution mais un objectif de performance supérieur dans la durée.
- SCI, OPCI, SCPI : solutions non garanties en capital mais dont le moteur de performance (les revenus locatifs) est assez pérenne et la volatilité limitée ces dernières années.
- Les produits structurés : avec des solutions permettant de générer une performance potentielle intéressante avec une garantie en capital partielle à terme, ceci au prix d'une décote non négligeable en cours de vie du produit.
- Les UC (dont la panoplie va des moins volatiles aux plus volatiles), la clé pour réduire la volatilité et le risque de perte se trouvant dans la stratégie de diversification en allant chercher des classes d'actifs à la fois porteuses et décorrélées les unes des autres.
Le PER (Plan d’Epargne Retraite universel) créé par la loi PACTE est-il une bonne alternative aux fonds euros ?
Les produits actuels (PERCO, Madelin, Art. 83, PERP) vont disparaitre à compter du 1er oct. 2020 au profit de ce nouveau produit, le PER, officiellement commercialisable depuis le 1er oct. 2019.
Comme pour le PERP, les versements sont déductibles de l’assiette de l’IR dans les mêmes proportions (10% des revenus annuels avec la possibilité d’utiliser le stock non utilisé les trois années précédentes).
Un appât fiscal a été par ailleurs temporairement mis en place jusqu’au 1er Janvier 2023* pour les détenteurs d’assurances vie de plus de huit ans. Ces derniers pourront verser dans le PER tout ou partie de leur assurance vie grâce à des abattements doublés sur les retraits sur leur contrat d’assurance vie, soit 9 200 euros pour un célibataire et 18 400 euros pour un couple. En pratique, pour bénéficier de cet abattement supplémentaire, il faudra verser les sommes retirées de votre contrat dans votre PER.
Des cas de déblocage anticipé possible : invalidité, décès du conjoint, expiration des droits d’assurance chômage, surendettement, acquisition de la résidence principale.
A la retraite, possibilité de sortir en rente ou en capital ou de moduler les deux.
Notre avis : la solution destinée aux entreprises (ex : PERCO qui devient un PER Collectif) reste pertinente (notamment pour les entreprises de moins de 50 salariés du fait de l’absence de forfait social). Il s’agit par ailleurs d’un bon outil de motivation des salariés par le biais de l’intéressement, de la participation et des abondements employeurs (non fiscalisés à l’entrée mais également à la sortie).
Pour les particuliers en revanche, l’intérêt fiscal et économique est bien moins évident. Il y a à notre avis d’autres solutions préférables pour préparer sa retraite et pour développer son épargne. Si on limite la comparaison à celle avec l’assurance vie, cette dernière (l’assurance vie) nous paraît beaucoup plus souple et offre d’autres intérêts (ex : outil de transmission, flexibilité opérationnelle, choix des supports, liquidité du contrat à tout moment et sans condition). Le gain lié à la défiscalisation des versements ne nous parait pas justifier du tout une migration vers le PER dont l’actif ne sera pas liquide.
Au demeurant, la logique de défiscalilisation n’est applicable que dans la limite des 10% des revenus annuels (+ stock de 3 ans utilisable une seule fois).
Enfin, la fiscalité est relativement (voire très) compliquée à anticiper. Elle dépend en premier lieu du mode de sortie (rente ou capital).
Enfin, hors cas particuliers**, lorsque vous bénéficierez d’un avantage fiscal sur les sommes versées, vous serez taxé à la sortie avec des versements individuels imposés au barème progressif et les plus-values au PFU. Ce qui est donné d’un côté est repris de l’autre.
Conclusion
En définitive, les épargnants vont devoir faire le sacrifice d’une épargne garantie à tout moment (en tout cas sur la totalité de leurs encours). Une exception Française qui prend fin car le fonds euros n’existe nulle part ailleurs dans le monde. Il faut d’ailleurs peut-être voir en cela une opportunité. Celle de pouvoir enfin véritablement éduquer les épargnants Français à la gestion d’actifs avec ses règles, ses risques mais aussi ses opportunités.
* : sachant que l’épargnant devra être à plus de cinq ans de sa retraite
** : Sommes issues de l’intéressement, de la participation et des abondements employeurs
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